Le pouvoir n’appartient plus, depuis longtemps, aux Français. Ils en ont été dépossédés par une double oligarchie, politique et syndicale, qui ne représente plus ni les citoyens, ni les travailleurs, mais qui gère pourtant en leur nom un modèle économique et social à la dérive. L’échec continu du dialogue social et des réformes atteste de la faible assise des acteurs en présence, rendus pusillanimes par leur manque de relais dans le pays et d’inspiration dans leur vision. Les Français sont si las de cette absence qu’ils n’attendent plus rien de leur « classe politique ». Ils ne s’estiment plus représentés. Il serait trop commode de rejeter le médiocre bilan sur le seul Président sortant et d’excuser ainsi un système qui a fait long feu. Nous ne ferons pas l’économie d’une refondation de notre système politique et de notre représentation syndicale. Tant que cette double équation n’aura pas été résolue, la France restera paralysée, sous la coupe d’un pouvoir illégitime et impuissant, déconnecté du peuple et incapable de fixer un cap.
Avant même la nécessaire réforme de la vie syndicale, c’est une nouvelle donne politique dont les Français ont besoin. Le système est bloqué par son sommet : c’est d’en haut qu’il faudra trancher le nœud gordien, élaguer l’espace d’une respiration démocratique pour rendre ce pouvoir aux Français qui l’attendent dans tous les domaines de la vie. Une issue restée introuvable jusqu’à présent. La France est gouvernée par un monopole aux deux visages, socialiste et conservateur qui se succèdent au pouvoir en reproduisant les mêmes schémas coupables de l’immobilisme et de la jouissance des avantages acquis, marqués au coin de l’anti-libéralisme. Il est si confortable de se succéder à soi-même dans une République qui n’a plus de ses pères fondateurs qu’un lointain souvenir. Mais depuis un certain 21 avril, la façade électorale ne dissimule plus les lézardes de l’abandon aux extrêmes, de l’abandon tout court.
Alternative Libérale s’est bravement constituée en mars 2006 pour défendre une vision originale des réformes. Un an plus tard, nous sommes fiers du travail accompli : notre parti compte désormais plus de mille cinq cent adhérents, sur tout le territoire. C’est une jeune force politique qui assume avec audace et fierté son identité libérale. Paradoxalement, ce mot que beaucoup croient usé n’a jamais eu en France droit de cité : « libéral », c’est la caricature de l’homme du Capital, le paria antisocial défenseur des intérêts égoïstes, comme si toute notion de bien commun lui était étrangère. Alors que partout en Europe des partis libéraux existent de longue date et s’allient à d’autres formations dans des gouvernements de coalition, les libéraux restent en France des éclaireurs. J’ai tenté pendant le premier volet de cette campagne présidentielle, de faire aimer aux Français cette vision politique nouvelle qu’ils méconnaissent, en réalité, plus qu’ils ne redoutent.
Le libéralisme, c’est l’invitation à l’écoute de l’autre, à la tolérance en son sens le plus positif, à la recherche de solutions négociées où chacun tire le meilleur avantage en assumant ses responsabilités. Le libéralisme, c’est l’invitation à la différence, à la pluralité des hommes et des idées : tout le contraire d’un modèle figé qu’on plaquerait stupidement sur toute société. Il n’y a d’ailleurs pas de « modèle libéral », chaque pays acclimatant cette pensée, cette attitude politique, à ses moeurs. Le libéralisme, c’est aussi le refus de la démagogie : Jeter de l’argent sur les problèmes, comme disent les britanniques, comme si les électeurs n’étaient pas capables de comprendre que ce qui est donné ici est forcément pris là-bas. Etre libéral, c’est chercher à concilier la dignité due à chaque homme - et la misère est une indignité dans notre société d’abondance - avec la liberté économique, culturelle et sociale qui lui permet de bâtir sa vie en individu libre et responsable de ses choix. Pour nous, la liberté de s’oppose pas à la justice sociale, elle en est le socle.
Pour atteindre cet équilibre, nous ne croyons pas aux chimères interventionnistes : le désordre apparent des choses masque en réalité l’ordre qui s’organise. La justice ne se décrète pas depuis les ministères, mais s’organise dans la défense sans cesse renouvelée de valeurs essentielles : liberté, dignité, propriété, égalité en droit et en devoirs. C’est l’oubli de ces valeurs fondatrices qui fait le mal-être français, et non le défaut d’intervention d’un Etat qui s’est discrédité par sa volonté de tout assumer sans rien assurer.
Les libéraux veulent renouer avec le message authentique de la Révolution de 1789 : au cœur du Serment du Jeu de Paume, c’est la juste représentation du peuple et la fin des privilèges arbitraires, dépendant du fait du Prince, qui sont attendus. Ce sont de nouvelles Bastilles qu’il nous faut abattre, en 2007, pour renouer avec l’esprit de la liberté.
C’est au nom du renouvellement des idées, des générations, des professions, des origines, des parcours de ceux qui nous gouvernent, au nom de tous ceux et celles qui sont aujourd’hui exclus du débat politique, que nous plaidons pour de nouvelles institutions, fondées sur trois principes essentiels : justice, transparence et égalité.
Pour la justice, nous voulons l’instauration d’un réel pouvoir judiciaire indépendant du pouvoir politique, succédant à une simple autorité de justice rudoyée à l’envie par le ministre de l’intérieur et le Garde des sceaux.
Pour la transparence, nous voulons que le Parlement exerce pleinement son devoir de contrôle de la dépense publique et qu’il fixe librement son ordre du jour. Nous voulons que les députés du peuple puissent bloquer un texte sans se voir opposer l’article 49-3, dit de « vote bloqué », qui permet au gouvernement de s’asseoir sur l’avis de la représentation nationale. Nous voulons un mandat unique pour tous les élus, afin que leurs électeurs sachent qui est responsable de quoi et puissent juger en conséquence. Nous voulons aussi que l’impôt soit prélevé là où il est dépensé : l’Etat, les régions et les collectivités locales doivent prélever l’impôt qu’ils ont à gérer, en vertu du principe « pas d’imposition sans représentation ».
Pour l’égalité enfin, nous voulons un mode de scrutin proportionnel, au moins partiel, aux élections législatives, seule voie pour réconcilier les Français avec le suffrage universel. Nous voulons le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Nous voulons rétablir l’égalité de droits entre les citoyens, qu’ils travaillent dans le privé ou l’administration : aucun statut ne doit diviser les Français dans leurs droits.
Ces quelques principes sont le canevas d’un nouveau pacte démocratique. Nous appelons à une Révolution légale qui mette un terme au clanisme de l’ancienne République, aux coteries et aux héritages politiques. Une nouvelle règle du jeu, qui donne toute sa place à la pluralité des idées, tout en préservant la qualité et la force de la prise de décision du Président de la République. Cette Démocratie ouverte préfigure un temps nouveau, loin d’un bipartisme présidocratique en fin de règne, si affaibli qu’il en est réduit à appeler au parrainage des extrêmes pour se sauver lui-même. Il s’agit d’un saut d’époque au moins aussi important que le passage du cens au suffrage universel ou l’accès des femmes au droit de vote.
Cette refondation démocratique, qu’Alternative Libérale a mise au premier rang de ses priorités, dès sa création, est aujourd’hui possible. Elle permettra aux libéraux d’accéder enfin à une représentation indépendante au parlement grâce au scrutin proportionnel. Mais surtout, elle est la condition sine qua non des réformes structurelles que nous espérons de longue date.
La réforme radicale de nos systèmes de protection sociale - sécurité sociale, retraites, assurance maladie - exigera une intense négociation, conjuguée avec une grande capacité de décision. Il en va de même pour l’organisation d’un syndicalisme plus efficace, pour la lutte contre les inégalités en droit et les statuts, pour l’achèvement d’une réforme fiscale de grande ampleur. Et puis, notre société a changé : certains interdits moraux anciens doivent être levés et une nouvelle vie sociale autorisée. Nos institutions, dans leur état de décrépitude actuel, ne permettront pas de mener de tels chantiers, quel que soit le locataire de l’Elysée. En effet, comment diriger un navire dans une tempête quand le gouvernail ne répond pas ?
C’est pourquoi je soutiens la candidature de François Bayrou à l’élection présidentielle.
Il est le seul candidat dans cette course à proposer le changement radical des institutions qu’Alternative Libérale appelle de nos vœux. Elu président, il ouvrira la voie à ce nouveau pacte démocratique. Il lancera cette Révolution légale, d’autant plus forte qu’elle sera portée par des gens raisonnables : la plus profonde des révolutions est toujours celle des modérés.
Emmené par les Français, affranchi des appareils, il incarne une voie inattendue et inespérée vers le changement. Une Révolution de velours dont les premières conséquences heureuses pourraient être l’engagement de vraies réformes pour réguler le déficit chronique du budget et juguler notre dette écrasante, mais aussi pour renouer avec une Union Européenne que nous, libéraux, considérons comme une opportunité historique.
François Bayrou n’est pas un libéral au sens où nous le sommes, où je le suis. Mais sa démarche est fondatrice. Il ouvre la porte d’un nouveau projet politique, où la concertation sera certes forte entre des courants d’idées et des personnalités différentes, mais où les libéraux sauront prendre toute leur part. Cette ouverture vaut bien mieux que le statu quo et la démagogie, seule perspective offerte par les duettistes conservateurs et socialistes.
Je m’engage avec Alternative Libérale, en toute indépendance et avec une vision claire de nos espérances, pour que 2007 soit une année utile.
La Révolution ne commence jamais là où on l’attend.
Librement,
Edouard Fillias
Président d’Alternative Libérale