Alternative Libérale Etudiants Lorraine

Voici quelques réflexions des adhérants d'ALE à Nancy. Vous y trouverez aussi notre agenda pour nos cafés et diverses réunions publiques. L'intégralité des propos tenus sur ce blog engage uniquement leurs auteurs et en aucun cas Alternative Libérale : c'est la liberté d'expression que nous prônons.

6 janv. 2007

"Camisole de force"

«On ne pourra pas compter sur la pleine adhésion à l’UE. Ce serait rabaisser les coutumes turques, non seulement pour des pays membres de l'UE mais, en conséquence, aussi pour le monde entier. Nous pensons que la Turquie ne devrait pas abandonner son objectif actuel d'adhésion en tant que membre à part entière de l'UE. La Turquie se devrait juste de refuser le camisole de force bureaucratique de cette organisation.» (1)

Voilà la position (traduite en français) adoptée par le parti libéral-démocrate de Turquie, tel qu’il est écrit sur les pages numériques du parti. Rien d’étonnant pour un parti libéral. Mais pour qui a assisté au débat sur le TCE (Traité Constitutionnel Européen), cette phrase apparaît bizarre. Il semblait en effet que l’Europe était une sorte de « monstre libéral », d’ogre au nom visqueux de « Bolkestein »… elle n’est en fait qu’une organisation économique et politique, prête à asseoir sa lourde bureaucratie sur les citoyens européens. Elle était pourtant _ à l’origine _ appuyée par les libéraux : libre concurrence économique et politique, état de droit fédéral et décentralisé, laissant peu de place aux Etats-Nations de commettre les méfaits du Siècle Sanglant. Elle aurait pu devenir un lieu de la liberté économique et politique, puissant barrage à l’hégémonisme soviétique initial.


On peut chercher à comprendre ce qui a mis le frein à l’Europe.

D’abord, le sentiment national a été un élément de réticence à l’égard d’une Europe supranationale. Il ne s’agit pas d’accuser le principe de nation. Voulue par de Gaulle, elle a eu ses accents dans la bouche de Monsieur Chirac en 1978 lors de l’appel de Cochin. Bien des hommes (à gauche le plus souvent) snobent aujourd’hui le sentiment patriotique, l’accusant de faire partie des bas instincts populaires. Il s’agit pourtant d’un noble sentiment. La patrie appelle les uns à construire, les autres à créer et à se sentir fier des constructions de la nation. Le patriotisme, le sentiment national, c’est l’amour des siens. Qui ose parler en mal de l’amour ? Il existe une haine nationaliste, certes ; mais elle n’entre pas dans ce propos.


Ce n’est donc pas la nation qui est à accuser d’avoir ralenti le processus européen. L’Europe supranationale n’est pas en opposition à la nation. Il n’existe pas de nation européenne. Le patriotisme (économique ou politique) est une sorte de religion à un esprit supérieur. L’Etat Fédéral Européen ne tue pas la nation, mais organise une forme de laïcisation, ou de privatisation de la vie politique à l’égard de la nation. De sorte, le pouvoir des Etats sur les individus est réduit, et leur laisse plus de liberté. La nation peut toutefois rester une force dynamique, dans l’esprit des gens comme dans la politique des parlements nationaux et fédéraux. Preuve en est qu’il existe un parti de l’Europe des Nations. Mais l’Etat Fédéral garantirait que ce noble sentiment reste dans le domaine du privé. Chirac avait, lors de l’Appel de Cochin, critiqué la future « inféodation de la France ». C’est tout à fait cela. Mais c’est aussi la lutte contre l’inféodation des hommes à l’Etat.


Ensuite pour une partie de la gauche française, les libéraux étaient des ambassadeurs de l’Oncle Sam, de l’infâme impérialiste américain. Le sentiment d’un hégémonisme américain était omniprésent, et il l’est encore. Ce qui est visé est surtout l’unilatéralisme interventionniste américain. Cet interventionnisme était utile et nécessaire dans un contexte de guerre froide. Il l’est visiblement moins aujourd’hui. Ensuite, on pouvait, et on peut être contre cet interventionnisme tout en restant Européen et libéral, voire atlantiste. D’abord parce que certains Américains y furent opposés eux-mêmes. Ensuite, parce que le libéralisme est intrinsèquement pacifiste : les guerres doivent toujours être institutionnelles, et employer le plus rarement possible la force physique ! Ce sont toujours des non-libéraux qui veulent la guerre, jamais des libéraux, qui la redoutent. La position antiaméricaine d’une gauche française est donc parfaitement injustifiée en ce qui concerne l’Union Européenne libérale. D’autant plus que l’Europe pourrait devenir assez forte pour imposer une voix proche des Européens aux Etats-Unis, et garantir un multilatéralisme d’intervention dans le monde.


Ce qui a été critiqué dans l’Appel de Cochin ensuite, c’est l’Europe des technocrates. Elle a certes eu ses victoires, en terme d’environnement ou de concurrence du marché notamment. Mais on peut dresser un constat sévère à cette Europe qui se réalise. Entre l’uniformisation du calibre des patates, la taille des rétroviseurs ou encore la PAC qui subventionne les paysans (quitte à avoir un impact négatif sur le développement des pays d’Afrique), l’Europe se révèle être un bien mauvais professeur de la liberté. Et cette Europe-là mérite un grand coup de pied… où vous savez : c’est-à-dire d’abord en France, où presque tout a commencé.La machine infernale européenne est en panne. Nous avons besoin d’une Europe de liberté, de prospérité et de croissance ! Les débats en cours sur l’adhésion de nouveaux pays est le signe d’une fuite en avant, d’une construction en paille de l’édifice européen. Il faut donner aux hommes d’Europe des voix au Parlement, réaliser une démocratie en faisant une constitution simple qui légifère sur les institutions et l’administration européenne. Il faut que cette institution soit légère, presque « portable », transparente et souple. Pas question dans un texte de dérouler le tapis rouge à la complexité bureaucratique. L’échec du TCE est l’échec de l’Europe du monde libre. Elle est le résultat d’une technocratisation de l’organisation, et en effet d’une « camisole de force » bureaucratique.


La Turquie est une grande nation d’Europe. Elle n’est pas plus loin que Chypre, à peine plus culturellement opposée à la France, que la Grèce l’est de la Finlande. Elle est comme la France un pays laïc, et a une forte population musulmane. Elle n’est pas moins en voie de réforme démocratique que la Roumanie ou la Bulgarie. Et c’est parce que la Turquie a tout loisir de devenir une nation libre et démocratique, qu’elle ne mérite pas cette fâcheuse intégration à cette grosse et stupide vache à lait.


(1) "Full membership to the European Union will not be relied upon. Turkish customs will be brought down not only for the European Union member countries but also, for all countries of the world. We believe that Turkey should not abandon her present objective of full membership to EU but should refuse to wear the bureaucratic straitjacket of this organization." (Site du Liberal Democrat Parti, parti libéral-démocrate turc affilié à l’Internationale Libérale, onglet « Programm in English », section « Economy »).http://www.ldp.org.tr/

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